Les recherches du Pr. Janine Mauzeroll dans Découvrir
Les cellules cancéreuses font de la résistance.
La cellule cancéreuse ne se laisse pas intoxiquer sans résistance, et expulser « l’ennemi » hors de ses frontières membranaires est l’une de ses techniques de défense. Pour ce faire, elle utilise des pompes, sortes de structures motrices formées de protéines, qui rejettent les médicaments chimiothérapeutiques vers l’extérieur. En plus de rendre le traitement inefficaces, cette réaction entraîne d’importantes répercussions sur la viabilité des cellules saines, ce qui se traduit pas des effets secondaires majeurs pour le patient. Mais si l’on veut bien comprendre et éventuellement contrôler la résistance cellulaire, encore faut-il pouvoir l’observer, la mesurer.
C’est ce qui intéresse Janine Mauzeroll, professeures au Département de chimie de l’UQAM et spécialiste en électrochimie des systèmes biologiques. Soutenues, entre autres, par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie de Canada (CRSNG), ses recherches visent à « développer » une méthode bio-analytique qui permet de quantifier la résistance multi-drogues des cellules cancéreuses ».
Les observations de la chercheuse et de son équipe sont possibles grâce à la microscopie électrochimique à balayage (SECM), une technologie d’abord utilisée pour l’analyse des surfaces métalliques et qui offre maintenant l’occasion de sonder les systèmes biologiques. Ce microscope est composé d’une microélectrode, un mince fil métallique qui, balayé au-dessus de la cellule, détecte des flux, soit des variations de concentration dans l’espace et dans le temps.
Microscopie électrochimique à balayage
La microscopie électrochimique à balayage offre une vision globale du parcours emprunté par des molécules électroactives qui pénètrent dans la cellule pour réagir avec la forme oxydée d’une molécule, le glutathion. « On peut aussi observer un parcours en boucle lorsque les espèces électroactives générées à l’électrode diffusent et réagissent avec la forme réduite du glutathion qui est expulsé hors de la cellule sous l’effet des pompes cellulaires. Mais pour bien mesurer ce phénomène, nous devons dresser, sous l’effet des médicaments l’imagerie électrochimique des cellules cancéreuses non résistantes et la comparer avec la réponse de celles qui résistent », résume la chercheuse.
Cette méthodes bio-analytique, qui repose sur des analyses électrochimiques, permettrait éventuellement de tester des additifs aux traitements actuels de chimiothérapie, afin de minimiser l’endurance des cellules cancéreuses. « Souvent, c’est la dose qui est mal jaugée, un peu comme dans la résistance au antibiotiques. » L’activation des pompes rend la cellule de plus en plus forte et il faudrait, par exemple, pouvoir retarder ce mécanisme de défense et donner le temps au médicament d’agir sur la cellule cancéreuse.
« L’objectif ultime serait d’avoir la résistance multi-drogues sous contrôle, mais il est peu probable que l’on parvienne à l’anéantir complètement », souligne Janine Mauzeroll. En revanche, l’amélioration des traitements qui existent aujourd’hui pour lutter contre le cancer, se traduirait concrètement par une réduction des effets secondaires et donc par une meilleure qualité de vie pour les patients.
La cellule cancéreuse ne vit pas dans un espace clos. En interaction avec son environnement, elle se défend, survit et optimise ses capacités d’adaptations. La résistance multi-drogues présente un obstacle de taille pour les chercheurs, mais chaque avancée scientifique en ce domaine aide à mieux comprendre la maladie et à adapter les traitements qui en empêchent la progression.